Réparation, seconde main… La nouvelle vie des textiles

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Allonger la durée de vie des vêtements, mettre en vente des pièces vintage : pour lutter contre les déchets textiles, des initiatives comme Les Réparables ou Belle Lurette misent sur le changement des pratiques de consommation. 

Trop petits, un peu démodés, voire déchirés… Les vêtements et textiles représentent plus de 230 000 tonnes de déchets collectées auprès des particuliers chaque année en France, dont 3000 tonnes en Vendée. Dans le département, l’entreprise d’insertion Le Relais est chargée de leur donner une nouvelle vie, avec 500 conteneurs sur tout le territoire. 

Une fois triés, 36 % des textiles seront recyclés en chiffon ou en isolant, 6 % seront mis en boutique Ding Fring (les friperies solidaires mises en place par Le Relais) – 85 adresses en France, dont une en Vendée, à Challans -, et le reste est exporté sous forme de grosses balles sur le continent africain, mais aussi en Inde ou au Pakistan. 

Mais cette collecte ne représente que 35 % des textiles jetés en France : le reste, au sein des ordures ménagères, n’est pas valorisé. Sur le territoire, des porteurs d’initiatives ont décidé de mettre leur pierre à l’édifice de la lutte contre les déchets textiles. Aux Essarts-en-Bocage, dans l’atelier des Réparables, on s’attelle à réparer.

Blandine Barré, fondatrice des Réparables, s’est lancée fin 2020 après une expérience de plus de 15 ans comme couturière. Le concept est simple : les particuliers peuvent déposer ou envoyer leurs vêtements à repriser via une plateforme qui calcule automatiquement le coût de la réparation. 

Nous apportons une solution pour prolonger la durée de vie d’un vêtement existant, quel que soit son profil.


Blandine Barré, fondatrice des Réparables

Miser sur la qualité pour lutter contre les déchets textiles

Dans un monde où la fast fashion est devenue la norme, la réparation est un réel enjeu pour réduire les déchets textiles. “La couture est un vrai savoir-faire« , complète Elise Carré, fondatrice de la friperie Belle Lurette, à La Roche-sur-Yon. Aujourd’hui, la majorité des vêtements sont conçus pour être jetés, on voit nettement la différence avec des vêtements conçus avant les années 2000.” C’est le créneau choisi par Belle Lurette : “Des vêtements des années 1970 à 2000, de bonne qualité avec de belles matières comme des toiles de coton solides, de la laine ou de l’angora qui tiennent chaud. J’aime proposer des jeans qui vont tenir 10 ou 20 ans sans bouger”, détaille Élise Carré, qui a vendu six tonnes de vêtements en 2020, l’année de son lancement. 

La friperie Belle Lurette et Les Réparables sont nés de longs cheminements. “Un dimanche matin, dans une brocante, j’ai entendu des jeunes dire ‘on ne sait plus où s’habiller’, à Emmaüs je voyais les files d’attente de jeunes devant les cabines d’essayage… En gros, ils en avaient marre de la fast fashion. J’avais envie d’entreprendre depuis longtemps, je viens d’une famille où on s’est toujours intéressé à la seconde main et à la réparation, et ça a été le déclic. La friperie, c’est un moyen d’éveiller les consciences sur nos modes de consommation. » , raconte Élise Carré. 

QUAND JE VOIS CHEZ MES FOURNISSEURS LES MONTICULES DE VÊTEMENTS QUI N’ATTENDENT QUE DE REVENIR SUR LE MARCHÉ, JE ME DIS QU’ON PEUT ARRÊTER DE PRODUIRE !

Elise Carré, fondatrice de Belle Lurette

Le meilleur déchet : celui qu’on ne crée pas

Chaque année, 600 000 tonnes de textile sont mises sur le marché en France à destination des ménages, soit près de 10 kilos par an et par habitant·e, selon le ministère de la Transition écologique. Une donnée qui résonne avec les réflexions de Blandine Barré : “J’ai eu envie de me dire ‘Allez, on ne fabrique rien, on fait avec ce qui existe et pas plus !’ Le déclic est venu lors de ma participation aux tournées de réparation de Patagonia (un des leaders mondiaux en matière de mode responsable, ndlr), en 2016 et 2018, qui incitent les clients à venir faire réparer leurs vêtements et leur matériel.” 

Faire avec l’existant convainc de plus en plus, en témoigne le développement de ces deux initiatives vendéennes. “Notre objectif, c’est d’avoir ⅓ de clients particuliers, ⅓ de professionnels et ⅓ d’entreprises de confection qui nous sous-traitent la réparation. Et on y est presque !”, se réjouit la cheffe d’entreprise, qui emploie six personnes en Vendée et a ouvert une antenne à Lyon. Des entreprises comme Oxbow ou La Poste font confiance aux Réparables, et des colis de particuliers affluent de 75 départements français.  

  • 3000 tonnes de déchets textiles en Vendée
  • 500 conteneurs dans le département

Faire évoluer les pratiques pour réduire les déchets textiles

Entre les portants de Belle Lurette, ce sont surtout les plus jeunes qui font bouger les choses : “Je vois des jeunes qui consommaient beaucoup de seconde main sur l’application mobile « Vinted » où on trouve beaucoup de fast fashion, mais qui cherchent maintenant à acheter éco-responsable, des vêtements de meilleure qualité”, constate Élise Carré, qui intervient aussi dans des écoles pour sensibiliser les plus jeunes sur la consommation textile. “Et ce sont peut-être eux qui réussiront à faire évoluer une génération moins intéressée, celle des 45-55 ans !” 

Faire évoluer les consciences et les pratiques est un travail de longue haleine. “Dans l’univers du textile, on entend beaucoup parler d’upcycling ou de recyclage, mais peu de réparation. Il a fallu convaincre les entreprises une à une, leur faire comprendre l’intérêt financier et écologique de réparer les tenues de travail plutôt que de les remplacer”, explique la fondatrice des Réparables. Mais, selon elle, les choses bougent dans le bon sens pour lutter contre les déchets textiles : “La loi AGEC (voir plus bas) permet d’amorcer des prises de conscience, notamment avec les fonds de réparation à destination des particuliers.” 

En savoir plus

  • La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) se décline en cinq axes : sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée, mieux produire. Elle prévoit notamment la création de “fonds de réparation” financés par les filières de production, qui vise à réduire le coût de la réparation pour le consommateur lorsqu’il se rend chez un réparateur labellisé.